On te propose ici de faire un récapitulatif des presque deux années de règne de Charles III et de faire le bilan d’une transition qui suscitait de nombreuses interrogations à la disparition d’Elizabeth II.

Suite au décès de sa mère Élisabeth II le 8 septembre 2023, Charles III est devenu roi du Royaume-Uni et de 14 autres royaumes associés. Ce changement marque la fin soudaine d’un règne de 70 ans et le début très redouté d’une nouvelle ère monarchique. Les deux années de règne de Charles III se sont inscrites dans une logique de continuité prudente ponctuée de quelques inflexions personnelles originales.

Un roi constitutionnel et très respectueux de son rôle

Charles III a entamé son règne en affirmant avec fermeté son respect du rôle constitutionnel de la monarchie britannique. Sa première promesse télévisée a été celle de traiter les citoyens du Royaume-Uni et du Commonwealth avec “loyauté, respect et amour“. Il a notamment cessé ses prises de positions personnelles, conscient que son rôle impose surtout une exemplarité pour l’unité nationale.

Le roi Charles a toujours cherché à mettre en avant ses devoirs quotidiens avec la réception des fameuses « boîtes rouges » gouvernementales, les audiences hebdomadaires avec le Premier ministre (Liz Truss, Rishi Sunak …) et surtout l’approbation formelle et codifiée des lois votées au Parlement. En février 2024, il continue néanmoins d’assurer ses fonctions essentielles malgré la découverte d’un cancer et un traitement médical. Il parvient honorablement à déléguer certaines charges publiques qui lui incombaient à Camilla, William ou la princesse Anne. Cette posture a permis de forger une image de souverain consciencieux et engagé dans son rôle en dépit des aléas personnels.

Une continuité assumée avec des signes tangibles de modernisation

Charles III n’a jamais renié l’héritage de sa mère mais a toujours cherché à promouvoir une vision plus épurée de la monarchie. La journée du 6 mai 2023 en est tout à fait emblématique avec le couronnement de Charles, à l’abbaye de Westminster. La tradition multiséculaire du sacre a été scrupuleusement respectée mais le roi a fait le choix d’une cérémonie courte et inclusive en incluant des représentants de plusieurs confessions religieuses, une première dans l’histoire britannique.

Charles III s’est également fait l’avocat d’une monarchie plus efficace et surtout moins coûteuse. Les attentes du contribuables sont considérées comme une priorité par Charles. Ce recentrage semblaient en effet indispensable à la lumière des scandales de mise à l’écart définitive du prince Andrew après le scandale Epstein, mais aussi du prince Harry dont le départ aux Etats-Unis avec Meghan Markle a éclaboussé la monarchie. Le roi Charles III a montré une posture respectueuse mais ferme en actant la fin de leur implication institutionnelle. Le retrait des privilèges royaux comme la résidence de Frogmore Cottage pour les Sussex a été particulièrement bien perçue par l’opinion.

Une réception publique et médiatique globalement favorable

Les premiers sondages d’option étaient assez alarmistes concernant la popularité du roi Charles III, surtout en comparaison à sa mère ou à son fils William qui semblait lui voler la vedette. Cette hypothèse semble s’être annulée dès l’été 2023 avec  environ 55 % des Britanniques qui affirmaient avoir une opinion favorable de Charles III (45 % au jour de son accession). Plusieurs raisons peuvent être associées à cette remontée surprenante. La réussite du couronnement, une présence régulière auprès des habitants du royaume et une attitude de sobriété ont suffit à faire taire les critiques.

Camilla, qui est désormais reine consort, a aussi vu son image s’améliorer et semble aujourd’hui sortir de l’ombre de Diana. Souvent critiquée ou jugée secondaire, sa discrétion et l’impression de stabilité qu’elle renvoie le rendent appréciée des Britanniques.  Ses engagements dans des domaines comme la santé mentale et la lecture ont contribué à cette popularité. L’idée d’une monarchie plus mûre et tournée vers le service s’est donc imposée.

Toutefois, il faut noter que des critiques persistent. Des manifestations républicaines minoritaires lors du couronnement, où des manifestants ont arboré des slogans tels que « Not my King », montrent que des défis internes encombrent encore le chemin de Charles. Le problème est surtout générationnel car il se situe surtout du coté des moins de 35 ans qui sont seulement 40% à estimer que la monarchie doit avoir un avenir à long terme.

Une diplomatie royale de nouveau active mais centrée sur l’Europe

Charles III a assuré une présence internationale importante lors des premiers mois de son règne lorsque son état de santé le permettait. Il a notamment affiché une forte proximité des partenaires européens. Son premier voyage officiel a eu lieu en Allemagne en mars 2023 et s’est surtout concentré sur la thématique des relations post-Brexit. Cette visite a été scrutée par les médias internationaux qui ont surtout noté son audace de prononcer un discours appelant à une réconiliation au Bundestag, le tout en allemand !

Les manifestations sociales qui ont traversé la France en 2023 ont eu raison d’une visite du roi qui a été reportée pour ce motif. Quelques mois plus tard, un dîner d’État à Versailles, une visite de Notre-Dame et une allocution devant le Sénat renouvellent les noces de l’amitié franco-britannique.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa (novembre 2022) et le président sud-coréen Yoon Suk-yeol (novembre 2023) étaient également des rencontres jugées prioritaires par Charles III.

Engagements en faveur de l’écologie et de causes sociétales

Traditionnellement très engagé sur ces questions sociales et écologiques, le roi Charles a surpris par sa relative neutralité depuis septembre 2022. Il conserve toutefois des engagements clés comme il a pu le montrer lors de son voyage à Dubaï pour la COP28. Il s’est alors illustré dans des discours appelant à la transformation du modèle économique national et à une solidarité internationale des nations. Il s’est notamment illustré par la citation “nous appartenons à la Terre et non l’inverse“.

Au-delà de ces prises de position écologiques, Charles III continue à mettre en avant des causes comme la protection de la biodiversité et des forêts ou l’’éducation des jeunes via son organisme The Prince’s Trust. Sa promotion du dialogue interreligieux est aussi tout à fait parlante. La nouveauté réside certainement dans le fait de promouvoir des solutions comme les partenariats entre public et privé avec des collaborations entre gouvernements, parties civiles et entreprises alors que sa mère restait bien souvent évasive sur ces détails concrets. Les baromètres de popularité ont tout particulièrement apprécié le programme de partenariat d’avril 2024 avec des entreprises britanniques en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes de quartiers défavorisés. 

Une gestion familiale équilibrée

Un véritable défi de cohésion interne attendait également Charles III lors de son accession au trône. Tout à la fois père, frère, et monarque, l’héritage de l’ouvrage “Spare” publié par son fils Harry en 2023 reste encore bel et bien vif, obligeant à maintenir un dialogue régulier et des relations cordiales avec son fils cadet. En novembre 2023, Harry avait notamment effectué une visite express dans son pays natal dans le cadre d’un engagement caritatif, ce qui a été l’occasion d’un échange privé entre père et fils à Clarence House.

Pour renforcer cette cohésion familiale, le roi Charles a notamment conféré à son frère Edward le titre de duc d’Édimbourg à son frère Edward en mars 2023, une manière de réaliser un souhait exprimé par son défunt père Philipp. Il met ainsi en avant d’autres figures que celle du monarque dans la sphère public pour exprimer davantage de tolérance et d’ouverture.

Deux autres personnages sont eux aussi propulsés sur le devant de la scène public depuis l’accession au trône de Charles : Catherine et William. Jouissant d’un succès certain auprès des plus jeunes, ils assurent l’essentiel des représentations diplomatiques à l’étranger, surtout depuis la première hospitalisation du monarque. La récente tournée entreprise en 2024 en Australie et en Nouvelle-Zélande a notamment été un franc succès.

Les défis royaux posés par le Commonwealth 

Charles III est le souverain de 15 royaumes. Plusieurs d’entre eux ont récemment affiché leur volonté de devenir des républiques. En décembre 2024, le gouvernement jamaïquain en est devenu un exemple éloquent lorsqu’il a présenté un projet constitutionnel de réforme considérant la suppression de la monarchie. Bien d’autres royaumes du Commonwealth comme Belize, Antigua-et-Barbuda ou Sainte-Lucie semblent également intéressés par ce genre d’inflexion.

Contrairement à de nombreux de ses prédécesseurs qui critiquaient vivement les velléités républicaines, Charles III adopte davantage une posture de respect. Il rappelle sans cesse que le volontariat est central dans le lien monarchique, et qu’il respectera les volontés souveraines exprimées par les peuples. La solution qu’il emploie est celle d’une présence accrue au sein des nations du Commonwealth comme lors de sa visite de novembre 2023 au Kenya, l’occasion de présenter des excuses pour le passé colonial et de promouvoir une mémoire partagée fondée sur la vérité.

De nature vigilante, Charles III cherche également à maintenir un lien fort avec les pays qui n’expriment pas ces volontés républicaines. Il affiche une forte proximité du Canada, de l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande. Le dernier exemple endate est certainement celui de la solidarité exprimée par le gouverneur général du Canada qui a célébré 75 ans du roi en juin 2024.

Rituels et symboles de la royauté

Ce nouveau règne de Charles III est aussi venu avec son lot de changements symboliques. L’effigie du roi a pris du temps à apparaitre sur les pièces de monnaie, billets de banque ou encore les timbres-poste du royaume. Le monogramme caractéristique « C III R » est également apposé sur les documents officiels et uniformes des personnes au service de la Couronne.

Ce rôle de monarque se manifeste surtout lors de grandes cérémonies nationales comme le dépôt de gerbe au cénotaphe lors du jour du Souvenir (novembre 2022) et la traditionnelle ouverture officielle du Parlement (automne), qui est l’occasion du « King’s Speech ». Le message de Noël est aussi une tradition plus personnelle qu’il utilise davantage pour porter des messages sociaux et environnementaux, nouvelle marque de son règne. Charles III en modernise toujours le ton et l’approche.

Conclusion : un règne de transition solide et maîtrisé

Deux années après être monté sur le trône, Charles III a assurément réussi sa prise de fonction dans un contexte de forte attente et d’incertitude. Il est parvenu à assurer la continuité de l’institution monarchique, tout en introduisant des ajustements progressifs. Son règne est marqué par une posture constitutionnelle très rigoureuse, un engagement sur les questions environnementales, un équilibre familial, une diplomatie royale active et surtout une volonté de modernisation symbolique. Face aux défis qui s’imposent à son règne, Charles III a cherché à mettre en avant une monarchie plus sobre mais toujours visible pour éviter son déclin. Il joue ainsi un rôle de transition pour l’avenir de l’institution, notamment le futur règne de son fils William. On peut ainsi le qualifier de prudent mais engagé car il se montre toujours soucieux d’honorer l’héritage de la couronne sans renoncer à la modernité.